Albert Pyun, réalisateur du film Captain America (1990), s'est éteint à l'âge de 69 ans
Une perte de plus cette année, mais cette fois, à quelques kilomètres de nos passions traditionnelles. De fait, Albert Pyun n'a pas marqué la vie et l'imaginaire de millions de fans de comics comme Neal Adams ou Tim Sale, ou participé à cimenter l'enfance d'une génération toute entière comme Kevin Conroy. Cela étant dit, en fonction de votre âge il n'est pas impossible que l'une ou l'autre des créations de ce cinéaste, valeur sûre du cinémas bis, des petites productions chargées en cyborgs et en coups de pied sautés, sommeillait paisiblement dans votre étagère à VHS il y a quinze ou vingt ans.
Albert Pyun 1953-2022
En réalité, la nécrologie du bonhomme nous regarde d'assez loin depuis le monde des comics. Fils de militaire, Albert Pyun a passé une partie de son enfance à voguer d'une base américaine vers l'autre avant de s'établir pour de bon à Hawaï, où il fera la reste de sa scolarité. Passionné de cinéma très jeune, et grand amateur d'Akira Kurosawa, le jeune homme entreprend de faire un stage sous l'égide de l'immense réalisateur alors qu'il est encore au lycée. Finalement, et après avoir postulé pour plusieurs sociétés de production basées à Honolulu, Pyun ira effectivement s'établir au Japon, mais pour travailler sous la tutelle de l'acteur Toshiro Mifune, vedette de plusieurs films de Kurosawa, et du directeur photo' Takao Saito.
Des débuts prometteurs, précédant un retour à Hawaï et une seconde migration, cette fois vers Los Angeles, pour tenter sa chance dans la production entre deux petits boulots de montage publicitaire. Son premier film, The Sword & the Sorcerer, tombe au bon moment, aux alentours de la sortie de Conan le Barbare au cinéma et dans une boulimie d'époque pour les guerriers, sorciers, la fantasy brutale des magiciens et des squelettes. Le projet rencontre un certain succès commercial, et amorce une longue, longue liste de travaux.
A partir de son second film, Radioactive Dreams (1985), Pyun livre au moins un film par an, voire deux par an, voire trois par an. L'année 1996 lui profitera particulièrement, avec pas moins de cinq de ses longs-métrages mis sur le marché, Omega Doom, Adrenalin: Fear the Rush, Nemesis 3: Prey Harder, Raven Hawk, Nemesis 4: Death Angel (on n'a pas attendu longtemps pour connaître la suite de la saga Nemesis visiblement, et ça c'est quand même chouette). Le réalisateur travaille énormément, tourne vite et pour pas cher des productions de série B, généralement dans le domaine de la science-fiction, du combat ou de l'épouvante, qui occupent un créneau spécifique sur le marché de la vidéo. Celui-ci est alors en pleine santé, et profite à cette catégorie de cinéastes passionnés capables de travailler avec trois bouts de ficelles.
S'il serait trop long de détailler l'oeuvre de Pyun, citons tout de même le sympathique Cyborg avec Jean-Claude Van Damme, une sorte de Hokuto no Ken fauché, Brainsmasher... A Love Story, une curiosité dans laquelle Teri Hatcher joue une mannequin qui va se retrouver empêtrée dans une histoire de fleure rare, de moines Shaolin, de magie et de kickboxing (mais d'abord et avant tout : d'amour), Kickboxer 2, deuxième film de la carrière de scénariste de David S. Goyer, Arcade, quatrième film de la carrière de scénariste de David S. Goyer, ou encore Mean Guns avec Christophe Lambert et Ice-T. Le bonhomme est aussi connu pour avoir été le premier à réaliser un film Captain America en images réelles et à destination des salles de cinéma, lorsque les studios Universal avaient renoncé au projet lancé à la fin des années 1980 et décidé de vendre les droits du personnage à la Cannon.
Pas forcément mémorable, cette première adaptation historique avait surtout pour elle le charme du bis. Et une charge politique étonnamment plus engagée que la version Marvel Studios - le film nous explique par exemple que le complexe militaro-industriel, représenté par un général américain, travaille en secret avec les nazis de l'Hydra pour faire éliminer de potentiels adversaires depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Et le scénario va même expliquer que Martin Luther King ou John Fitzgerald Kennedy ont été assassinés par ce groupe de méchants à la demande des vilains militaires et industriels corrompus. D'ailleurs, le nouveau président, un peu trop écolo' aux yeux du général Fleming, va se faire enlever pour une séance de lavage de cerveaux visant à le rendre plus docile. Egalement, le sérum du super-soldat a cette fois été créé par une scientifique italienne cherchant à fuir les fascistes de Mussolini.
Massacré par la critique, le film Captain America sera retitré "Bloodmatch" lors de sa sortie aux Philippines (pour capitaliser sur le public amateur de séries B, avec un nom plus "explicite" sur la qualité du produit) et, contrairement à une rumeur persistante, n'a pas profité des talents de Jean-Claude Van Damme à la chorégraphie des combats malgré ce qu'indiquent certains posters publicitaires. Paradoxalement, à l'envers des réalités modernes, avoir travaillé sur une adaptation de comics n'a pas représenté d'évolution réelle ou de marqueur temporel particulier pour la carrière d'Albert Pyun, toujours très à l'aise dans sa case des robots, de gerbes de sang et des coups de latte avant et après.
En définitive, un legs conséquent de petites productions, dont certaines ont atteint un statut d'oeuvres cultes pour les amateurs de cinéma de genre à petit budget, à découvrir ou à redécouvrir dans les coins à VHS des dépôts-ventes ou au grenier de la maison des parents. Merci pour les travaux.
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